Des banques privées comblent les découverts quotidiens de la Sécurité sociale
JEAN-FRANCIS PÉCRESSE
Les Français ne le savent pas, mais c’est grâce à des banques privées, françaises et étrangères, qu’ils continuent de percevoir normalement leurs remboursements maladie, leurs pensions de retraite ou leurs allocations familiales.
Pour éviter la cessation de paiements, la Sécurité sociale n’hésite plus à faire appel au secteur bancaire privé, alors qu’elle se contentait, jusque-là, des avances de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC). Après avoir emprunté, début juin, 3 milliards d’euros à 3 mois à quatre banques, deux françaises (Calyon et CDC Ixis pour 1 milliard d’euros chacune) et deux américaines (JP Morgan et City Group pour 500 millions d’euros chacune), l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss) s’apprête à renouveler l’opération début septembre, pour un montant probablement trois fois plus important. Il s’agit, cette fois, de couvrir les quatre derniers mois de 2004. D’ici à la fin de l’année, les découverts du régime général pourraient encore dépasser, certains jours, les 30 milliards d’euros, car la reprise de la dette 2002-2004 effectuée au 1er septembre ne soulagera vraiment le compte de trésorerie que le 1er janvier 2005.
En plein débat sur la réforme de l’assurance-maladie, que l’opposition disait menacée de privatisation, le gouvernement n’a guère tenu à communiquer sur cette diversification sans précédent du financement de la Sécurité sociale. L’initiative s’inspire, pourtant, d’une pratique depuis longtemps en vigueur dans le régime paritaire d’assurance-chômage Unedic. Surtout, elle permet à la Sécurité sociale d’alléger un peu des charges d’intérêts évaluées à quelque 500 millions d’euros pour cette année. Les conditions financières consenties par les quatre banques retenues en juin sont, en effet, « nettement meilleures que celles de la CDC sur les avances prédéterminées », écrit l’Acoss dans sa dernière lettre interne. Selon nos informations, elles sont inférieures de 0,08 point à celles de la Caisse des Dépôts, ce qui permet à l’Acoss d’économiser 600 000 euros sur trois mois.
Appel d’offres sur-couvert
La Caisse des Dépôts pratique des taux calés sur le taux effectif moyen pondéré du marché monétaire au jour le jour en euro, l’Eonia (2,04 % aujourd’hui). Elle le majore de 0,07 % pour ses avances prédéterminées de 10 milliards d’euros. Or, pour garantir le versement des prestations, l’Acoss a régulièrement besoin d’emprunter à court terme à la CDC des sommes qui ont couramment atteint, cette année, 23 milliards d’euros. Elle est autorisée, par le Parlement, à le faire jusqu’à 33 milliards d’euros.
Avec de tels montants, le moindre gain sur les intérêts est bon à prendre. C’est pourquoi Bercy et la direction de la Sécurité sociale ont suggéré, en début d’année, que l’Acoss mette la CDC en concurrence avec d’autres établissements financiers spécialistes en valeurs du Trésor. Lancé le 19 mai,le premier appel d’offres a été sur-couvert, puisque treize banques privées ont répondu, proposant au total 17,5 milliards d’euros, six fois plus que le montant nécessaire. Preuve que la situation financière d’une Sécurité sociale pourtant lourdement endettée n’inquiète pas plus que cela les banquiers...
Elle n’inquiète pas les banquiers, qui ne jouent qu'un rôle d'intermédiaire, mais elle devrait inquiéter les épargnants, qui risquent bien au final d'être floués. Mais après tout, la sinistre SS reste bien, ce faisant, dans son "coeur de métier", qui est la destruction de l'économie française. Elle ruinera les épargnants qui auront acheté de la dette sociale, après avoir ruiné les Français par ses ponctions vampiriques toujours renouvelées.
4 commentaires:
Ca sent les emprunts Russes cette histoire vous ne trouvez pas?
Je comptais t'envoyer une copie de cet article que j'avais aussi repré dans les Echos, il me semble qu'ils font des articles sur le sujet de la Sécu de façon plus fréquente en ce moment, si j'ai du nouveau sur ces circuits du blanchiment de la dette, je te le ferai savoir.
Et en ce qui concerne le mot "blanchiment", Serge, si les produits financiers vendus par les banques s'appelaient "Dette Sécu I", "Dette Sécu II" numérotées de façon à ce que l'on compte le nombre d'émissions, alors on pourrait dire qu'il n'y aurait pas blanchiment.
Mais comme le souligne Laure, les banquiers semblent transformer une dette en produit d'epargne, j'avoue qu'il serait intéressant de voir exactement la nature de l'opération financière...
> les banquiers semblent transformer une dette
> en produit d'epargne, j'avoue qu'il serait
> intéressant de voir exactement la nature
> de l'opération financière...
C'est très banal, cela s'appelle une obligation. Une obligation est une dette. Quand un investisseur achète une obligation, il prête en réalité une somme d'argent à l'émetteur de l'obligation et celui-ci contracte une dette. Les plus gros émetteurs obligataires sont des organismes gouvernementaux.
Oui oui, je sais bien ce qu'est une obligation (enfin, j'ai travaillé sur des obligations émises par des entreprises, pas par des organismes sociaux), mais ce qui me gène c'est la présentation en tant que produit d'épargne par les banques elles-mêmes, je me demandais juste si elles précisent à leurs clients ce qu'est précisément ce produit d'epargne.
Ca n'a pas été du tout le cas pour les emprunts russes (entre deux guerre), et le résultat a été epoustouflant (ruine d'une partie d'une génération d'epargnants!)
Evidemment j'exagère volontairement quand je parle de blanchiment. Il n'y a rien d'illégal, cependant du point de vue libertarien la Sécu est une organisation illégitime, puisqu'elle vit de la prédation des "assujettis".
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